Interview, Yacine Sene : « À la fin, les gens étaient extraordinaires avec moi »

Après 16 années passées en Ligue Professionnelle, Yacine Sene a mis fin à sa carrière le week-end dernier avec Charleville, et nous fait l’honneur de répondre à nos questions. Poste 3, elle a débuté sa carrière dans son club formateur, celui de Bourges, avec qui elle aura notamment remporté l’Euroligue. En passant par les clubs de Reims, Aix-en-Provence, Clermont-Ferrand, Mondeville, Yacine a également connue les joies de la sélection en Bleues.

(Crédit Photo : Flammes Carolo Basket Ardennes)
(Crédit Photo : Flammes Carolo Basket Ardennes)

Parlons-Basket : Ton dernier match a été intense en émotion… Ton public se séparait de sa salle emblématique mais surtout de leur capitaine. Peux-tu nous décrire en quelques mots cette belle soirée ?

Yacine Sene : Effectivement, ce n’était pas que mon dernier match, c’était également le dernier match de l’équipe dans ce gymnase, à Balard, où il s’est passé beaucoup de chose. Alors ce n’était pas que la soirée, je pense que c’est la journée, et même la veille qui ont été intenses. C’était pour tout le monde très émouvant. Personnellement, je suis passée par pleins d’émotions, il y a eu pas mal de jolies surprises, même avant le match. Donc c’est vrai que c’était très intense. J’ai été émue, je suis quelqu’un de sensible. Les gens me disent parfois que je n’ai pas l’air fatigué, mais je vis les choses intensément.

PB : Pourquoi avoir fait le choix maintenant de mettre fin à ta carrière alors que tu es encore toute “jeune” ?

YS : (Rires) Ça n’a rien à voir avec l’âge. Pour ma part, c’était plus une décision mûrement réfléchie. Cette décision était déjà dans ma tête en début de saison, et puis je ne sais pas, j’ai senti que c’était le moment. Honnêtement, ça c’est fait au feeling. J’étais arrivée à un point où j’avais une sorte d’usure mentale. Physiquement ça allait encore à peu près, même si on récupère beaucoup moins bien avec l’âge (Rires). Et surtout, j’avais d’autre chose à l’extérieur du basket qui me donné envie de m’investir plus. Il y a eu finalement pleins de choses qui ont été la cause de cette décision. Ça fait quand même longtemps que j’étais dans ce milieu (16 années de carrière professionnelle pour Yacine). Il était temps pour moi de voir autre chose.

PB : Même si tu as planifié ta retraite, n’as tu pas ressenti un peu de blues ?

YS : Alors pas du tout ! (Rires). Après je suis dans la phase de post saison, il y a tellement de fatigue, et de tension qui retombent que oui, c’est plus du soulagement qu’autre chose. En plus voilà, c’était une saison un peu difficile. Et honnêtement, j’ai choisi le moment où je voulais arrêter. À la fin, les gens étaient extraordinaires avec moi. J’ai quelque chose qui m’attend après, donc pour l’instant je suis contente de mon choix. Maintenant, j’imagine que dans quelques mois, ça va me manquer le basket. Surtout quand elles vont reprendre et tout. C’est un sport que j’ai toujours adoré, donc forcément j’imagine qu’à un moment ça va me manquer.

PB : Pour une fana de la défense, c’est donc le métier d’avocat que tu vas exercer dorénavant ?

YS : (Rires), Le jeu de mots qui fait rire ! J’ai toujours pensé à l’après basket. Le basket était un milieu qui ne m’a jamais suffit, j’ai toujours eu envie d’avoir d’autre chose à coté. C’est donc quelque chose que j’avais toujours préparé, sans pour autant penser au moment où j’arrêterais réellement. Et oui après, j’ai plusieurs projets, j’ai fait du droit. Mon rêve serait d’arriver à être avocate, mais il faut se préparer au moins pendant un an, sachant que j’ai arrêté il y a longtemps mes études. (Rires). Il faut se remettre à jour. Mais voilà, c’est une des options que j’ai pour ma reconversion professionnelle. Maintenant, j’en ai d’autres. J’ai notamment un autre concours en septembre. J’ai plusieurs plans, mais je ne me suis pas arrêtée à un seul. Faut déjà que j’ai le temps de me poser, et de bien réfléchir à autre chose.

PB : Tu vas couper avec le basket professionnel, ou comptes tu toujours t’informer des résultats des transferts, d’aller voir des matchs ?

YS : (Réflexion) Par la force des choses, je suivrais les résultats, le club. Mais après je n’ai jamais été une accro, je ne regarde pas tous les résultats de tous les championnats chaque week-end. (Rires). Après franchement, je ne sais pas du tout. Je ferais ça au feeling. (Rires)

PARLONS DE TA CARRIÈRE

PB : Tu as réalisé l’ensemble de ta carrière en France, tu n’as jamais eu envie de voir ailleurs ?

YS : Euhh non. J’y ai pensé à un petit moment, mais ça n’a jamais mûri plus que ça en moi. En plus, j’avais un profil pas spécialement exportable. En tant que Française, étrangère, dans un club étranger, les clubs sont plus sur des profils offensifs. Et honnêtement j’étais bien, j’avais ma vie à l’extérieur du basket qui était importante aussi. Ne serait-ce qu’au niveau de mes études, c’était un choix important pour moi de trouver des clubs à côté. Et puis non, je sais pas, c’est pas quelque chose qui m’a poursuivi plus que ça.

YacineSene

PB : Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?

YS : Euhhhh le meilleur… C’est pas évident de n’en tirer qu’un. Je ne saurais pas dire, il y en a eu pleins, des supers. Et heureusement !!!! (Rires)

PB : Les sélections en EDF, le titre avec Bourges, ça doit faire parti des bons souvenirs nan ?

YS : Oui, il y a eu ça c’est sur. Mais également des choses plus simples, des rencontres par exemple. Ma formation à Bourges aussi, j’en garde de très bons souvenirs, c’est ce qui m’a permis d’être comme je suis aujourd’hui. Mes meilleurs souvenirs, ceux ne sont pas forcément les titres, de gagner un match sur un Buzzer-Beater comme on dit. Ce sera plus des matchs que tout le monde pense  perdus, et où l’on arrive à aller chercher la victoire. C’est donc plus les belles victoires, les belles rencontres.

PB : Et quel est le pire ?

YS : Franchement, je pense que c’est comme l’accouchement, une fois qu’on a accouché on oublie la douleur !!! (Rires) Sincèrement, non, il y a eu des saisons difficiles. Moi ce qui m’a en général le plus impacté, ce n’est pas tant les défaites sportives, c’est le sport, mais c’est plus les saisons où dans le relationnel ça aura été difficile. C’est plus ce genre de chose qui pour moi reste des mauvais souvenirs, et encore. J’ai pas un vrai mauvais souvenir.

PB : Maintenant que tu es à la retraite, qu’est ce qui va le plus te manquer dans le quotidien d’une basketteuse pro ?

YS : Alors peut-être qu’il faudra me reposer cette question quand j’aurai un travail, (Rires), et que, je ne pourrais plus faire de siestes, l’après-midi, les siestes de deux heures !!!! On a un rythme de vie en tant que basketteuse qui est quand même agréable ! Certes on a une cadence physique qui est élevée, et qui est parfois difficile à tenir, le corps souffre, c’est pas facile de passer au dessus de ça parfois, mais on a quand même un rythme de vie qui est sympa.

PB : Quel est le club qui t’a donné le plus à l’extérieur d’un terrain ?

YS : Le plus incroyable, c’est quand même Charleville ! C’est d’ailleurs pour ça que je suis en paix, parce que j’ai fini dans un endroit top. Tout n’est pas parfait, c’est un club jeune, il y a des choses perfectionnables dans le professionnalisme. Mais honnêtement, le club a des valeurs qui moi, m’ont porté. Après j’ai deux clubs, mon club de cœur, c’est Bourges quand même. C’est là que j’ai grandi. J’en garde un souvenir assez incroyable. Mais après mon club de coup de cœur, (Rires) c’est Charleville. Le premier et le dernier, les choses sont bien faites.

PB : Quel a été le coach le plus marquant de ta carrière ?

YS : (Réflexion) Honnêtement, en sortir un, c’est pas facile. Je les ai rencontrés, et ils m’ont tous, à un moment ou à un autre apportés un truc à un moment clé. Je pense à mon coach en espoirs, enfin mes coachs, Olivier Hirsch et Sébastien Nivet. Ce sont eux qui m’ont donné le goût du travail, le goût de pleins de choses. Après en pro, j’ai rencontré des gens à des moments clés. Presque dans chaque club, j’ai évolué, et j’ai rencontré le coach qu’il me fallait à ce moment là de ma carrière. Ils m’ont tous aidés à franchir un cap. Même sur la fin, Romu (Romuald Yernaux, l’actuel coach des Flammes) m’a donné des responsabilités que je n’avais pas avant. J’ai eu de la chance.

PB : Entre le début et la fin de ta carrière, la médiatisation du basket féminin a évolué, comment juges tu cela ?

YS : Ça a quand même évolué dans le bon sens je trouve. C’est vrai qu’au tout début, de mémoire, les évènements sportifs basket féminin étaient couverts à minima. Il fallait être finaliste de l’euroligue par exemple, il fallait vraiment faire de très grosses performances. Donc je trouve qu’en général les évènements sont beaucoup plus couverts. Après est ce que cela est dû au fait que maintenant, avec internet c’est beaucoup plus facile, l’info circule plus rapidement. Y a aussi le fait qu’on est une équipe de France qui a passé un cap, qui a remis le basket féminin au même titre que le hand chez les masculins. Cette équipe a permis la remise en lumière de notre sport. Maintenant, je trouve qu’on y est pas encore. L’arrêt de la chaine Sport+ va mettre un coup aussi, après j’espère qu’il y aura des chaînes capables de prendre le relais. Il y en a certaines qui ont déjà diffusé du basket. Après nous on voudrait toujours plus pour notre sport, mais ça a quand même évolué. Il y a une meilleure couverture médiatique.

PB : Penses tu que les chaines locales soient une alternative ? Ardenne TV a diffusé pas mal de vos matchs cette saison…

YS : Ardenne TV, permet de toucher, par le biais d’internet, beaucoup plus de gens. C’est beaucoup plus simple que les chaînes câblées, car tout le monde n’a pas le câble non plus. Internet ça diffuse beaucoup plus. Ça demande une logistique, mais cela ne me paraît pas insurmontable, et je suis étonnée qu’il n’y est pas d’autres clubs qui se lancent là dedans, ça va peut-être venir avec le temps. Je pense que l’évolution viendra du local. Il faut continuer, peut-être qu’à force de performances cela viendra.

PARLONS DE TON PASSAGE CHEZ LES BLEUES

PB : Tu as eu l’honneur de porter le maillot Bleu, qu’est ce que cela fait de foulée les parquets et d’entendre la Marseillaise ?

YS : Forcément, c’est un souvenir qui reste. Déjà je n’en revenais pas d’être appelé en équipe de France, je n’avais jamais envisagé ça comme possible. Autant en jeunes, c’est différent, mais en A… La Marseillaise ça a été un grand moment, ça a été énorme. Après au début, on était toutes comme ça, émerveillées ! C’était INCROYABLE !!!

PB : Que retiens-tu de tes expériences en Bleues ?

YS : Ça m’a appris déjà ce qu’était le niveau international (Rires). On se rend compte de l’écart. Enfin à mon époque, on jouait les pré-qualifs. On avait encore des équipes qui étaient en dessous. Mais y a des matchs où tu te dis, à ouais, y a quand même des joueuses… L’impact est vraiment différent. J’ai également beaucoup appris de Pierre Vincent, sa façon de travailler, son basket, je n’avais avant ça jamais connu cette manière de faire. C’était super intéressant. À l’époque, je notais tout dans un carnet, ça m’avait marqué au niveau du basket, j’avais appris beaucoup de choses. C’était très riche intellectuellement tout ce qu’il nous faisait faire.

PB : Quel regard portes tu sur l’EDF d’aujourd’hui et ses résultats ?

YS : Bah, j’ai le regard d’une « supportrice » (Rires). C’est des filles que je connais bien en plus parmi les taulières un peu, c’est des filles pour qui j’ai de l’affection. Je suis contente pour elles. Je regarde également ça avec un œil admiratif. Quand je vois une fille comme Céline Dumerc, nous sommes de la même année, et qui depuis que l’on a 13 ans, elle est tous les étés sur le front. Je suis admirative de ces filles là. Je pense également à des filles comme une Sandrine Gruda, qui ont une force de travail. Elles sont impressionnantes. Je suis contente pour mon pays, pour mon sport, d’avoir une vitrine comme ça.

QUI EST ? / QUEL EST ?

PB : Ton cinq de copines ?

YS : Mon cinq de copines, alors je vais faire un cinq élargit avec quelques grandes… Alors… Anais Déas, en meneuse titulaire, avec Céline Dumerc en remplaçante, parce que ça suffit il faut que Dumerc se repose. En aillière, je mettrais Clémence Beikes et après… Je ne fais qu’avec des françaises, sinon on a pas fini (Rires). En intérieur, Emmeline Ndongue bien sur, Auré Bonnan. En remplaçante intérieur, Ana Maria Cata-Chitiga, mais elle pourrait également joué extérieur, parce que c’est son rêve de shooter à trois points. Donc elle peut jouer sur les deux postes. Après avec les étrangères, y en a d’autres aussi. Ça donne un cinq élargit, avec des joueuses hybrides qui peuvent évoluer sur plusieurs postes !!! (Rires)

(Yacine Sene en pleine discussion avec Emmeline Ndongue Jouanin)
(Yacine Sene en pleine discussion avec Emmeline Ndongue Jouanin)

PB : La pire chanteuse ?

YS : (Réflexion…) Euhhhh, de mémoire Laurence Van Malderen, c’est une bonne copine. Oui à Aix-en-Provence, avec son accent Belge, un massacre. (Rires).

PB : La plus bordélique ?

YS : Oh, Ana Maria Cata-Chitiga. Ana Maria, sans hésiter. Je dois même avoir des photos, qui prouvent que vraiment… Mais sur la fin, ça allait mieux !!!

PB : Celle qui ne peux sortir sans maquillage ?

YS : Sans maquillage, y en a eu plusieurs quand même… C’est vraiment pas facile… On va dire les plus coquettes que j’ai vu, et qui se maquiller souvent, Anastasia Kostaki, Zoi Dimitrakou, et Kadidia Minte.

PB : As tu des conseils à donner à toutes celles et ceux qui rêve de devenir pro ?

YS : Oulah… L’important c’est d’aimer ce sport déjà. Il faut également prendre du plaisir mais ne pas oublier que c’est un jeu.  Après le principal c’est de ne pas perdre de vu que la base c’est le travail. Y a pas de secret, il faut se mettre en difficulté pour y arriver. Après il faut tomber sur les bonnes personnes, celles qui vont vous faire progresser, et qui vont vous convenir. Il y a plusieurs façon de travailler… De l’huile de coude en fait… (Rires)

PB : Enfin pour finir, nous avons une question qui provient d’une de tes coéquipières, enfin ancienne du coup, on te laisse lui répondre, mais également deviner de qui cela vient : “As-tu un caractère de Dragonne ?”

YS : (Rires). Ah je sais qui sait… Oui, il m’arrive de cracher du feu. Je sais que c’est Ana, (Maria Cata-Chitiga) ça c’est sûr. Elle s’est retrouvée avec les sourcils cramés une ou deux fois quand j’ai craché du feu.

(Ana Maria Cata-Chitiga, ancienne coéquipière de Yacine à Charleville - Crédit Photo : Flammes Carolo Basket Ardennes)
(Ana Maria Cata-Chitiga, ancienne coéquipière de Yacine à Charleville – Crédit Photo : Flammes Carolo Basket Ardennes)

PB : On te laisse le mot de la fin

YS : Euhhh, je sais pas. Merci pour tout ce que j’ai reçu grâce à ce sport.

Tout l’’équipe Parlons Basket remercie chaleureusement Yacine pour sa disponibilité !
On lui souhaite une excellente reconversion professionnelle ! Et bon vent :) !
Interview réalisée le 10/04/2015

Pour tous ceux qui n’auraient pas eu l’occasion de le voir, voici un reportage sur Yacine, il est signé l’Équipe.


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