Par Pierre-Andréa Fraile | Journaliste sportif
Auteur d’une mémorable carrière de tennisman, Yannick Noah a surtout marqué les esprits en remportant le tournoi de Roland-Garros en 1983. Censé représenter une sorte d’apothéose, cet exploit a toutefois plongé le Français dans un sombre état.
Chaque année, la même rengaine : un joueur français parviendra-t-il enfin à briser la malédiction ? L’édition 2025 de Roland-Garros, qui approche à grands pas, ne fait pas exception à la règle. L’univers du tennis tricolore se demande en effet si l’un de ses représentants sera en mesure de remporter le tournoi et de suivre ainsi les traces de Yannick Noah, sacré Porte d’Auteuil en 1983.
À vrai dire, Noah lui-même espère que l’un de ses compatriotes prendra sa suite aussi rapidement que possible. Non pas qu’il déplore son statut de dernier vainqueur français en date du Grand Chelem parisien, dont il peut au contraire se montrer très fier. Après tout, ce titre reste le plus grand accomplissement de sa brillante carrière sur les courts… sans pour autant l’avoir totalement comblé à l’époque.
Yannick Noah brutalement honnête sur sa victoire à Roland-Garros
En s’imposant face à Mats Wilander en finale de Roland-Garros, en 1983, Noah a pour beaucoup atteint le firmament du tennis mondial. Or, cette position ne s’avère pas aussi rêvée que certains pourraient le croire. Interrogé dans le cadre du documentaire « Santé mentale, briser le tabou » diffusé ce mardi sur M6, il y révèle avoir eu bien du mal à digérer ce triomphe à domicile :
Yannick Noah : C’était un bonheur de gagner cette coupe mais le lendemain, j’étais perdu. Tout le monde autour de moi pensait que je vivais ma meilleure vie, mais j’avais envie de me foutre en l’air. J’avais envie de partir parce qu’une fois au sommet de mon sport, on ne m’a pas donné le mode d’emploi.
Au lieu de savourer, Noah aurait ainsi été envahi par de sombres pensées :
Yannick Noah : Je marchais seul le soir dans les rues à Paris, j’attendais qu’il n’y ait personne, je regardais la Seine et je me disais, « Je me jette. » Je n’en pouvais plus.
Une nouvelle preuve, s’il en fallait une, que la santé mentale des sportifs de haut niveau se doit d’être régulièrement évaluée et prise très au sérieux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’ancien n°3 mondial a accepté de s’épancher à cœur ouvert sur son propre cas :
Yannick Noah : Ce sujet-là, on n’en parle pas. On n’en parle que tardivement, et parfois trop tard. Il y a des gens dans ma famille qui ont trop attendu. Si j’ai voulu participer à votre truc, c’est parce qu’on en a besoin. Je me sens un peu comme un passeur de relais.