Par Guillaume Kagni | Journaliste sportif
Le sport est bien plus qu’un jeu ou qu’un divertissement. Dans de nombreuses sociétés, le sport est un vecteur du « vivre ensemble ». Didier Drogba, légende de l’Olympique de Marseille, le sait mieux que personne. En 2006, il arrêtait une guerre civile en Côte d’Ivoire à la force de ses mots.
N’en déplaise à certains, qui aimeraient que le sport et la politique restent deux entités distinctes, il existe une vraie relation entre ces deux mondes. Aujourd’hui, et c’est une chose qui rendrait Mohamed Ali très fier, les athlètes n’hésitent plus à prendre la parole sur des sujets de société importants. Pour rappel, il avait mis sa carrière entre parenthèses et avait fait de la prison pour avoir dénoncé la guerre américaine au Vietnam.
Dans l’esprit, c’est un peu ce qu’avait fait Didier Drogba en 2006 face aux tensions qui gangrénaient sa Côte d’Ivoire. Héros national grâce à ses exploits sous le maillot de Chelsea et des Éléphants, il avait mis ses performances sportives au service de la paix. Il est revenu sur cet épisode héroïque dans l’émission « The Bridge », animée par l’international tricolore Aurélien Tchouaméni.
Didier Drogba parle de la fin de la guerre en Côte d’Ivoire
Pendant toute la campagne de qualification pour la Coupe du monde 2006, le pays est divisé en deux. Nos dirigeants nous disent de faire attention, que les familles ne se parlent plus, qu’il y a de la tension. Un jour, on joue en Côte d’Ivoire, et le président arrive avec un système de sécurité de folie. Tu avais des militaires de partout, et pendant les hymnes, je vois un gars en face de moi avec un lance-roquettes. Il avait le doigt sur la gâchette.
Tout le monde nous disait de jouer et de nous qualifier pour le pays. Quand on s’est qualifié, c’était pour le pays. J’étais dans une position idéale pour parler, m’exprimer, et mon appel à la paix est venu de manière spontanée. Je n’en parle à personne. J’ai vu une caméra rentrer dans le vestiaire, j’ai voulu saisir ma chance. C’est le citoyen qui a parlé, par le joueur. J’ai vu la guerre, des morts, des gens qui ont tout perdu. J’ai demandé publiquement aux dirigeants du pays de se mettre à la table des négociations.
J’ai fait ce message sur le moment, je suis rapidement passé à autre chose. Je ne pensais pas à l’impact que mes mots auraient. Pendant 6 mois, ma vidéo est passée au journal de 13 heures, puis au journal de 20 heures. Je suis en Angleterre à ce moment, je ne mesure pas l’impact de la chose. Avec du recul, je me dis que j’étais guidé par quelque chose.
« Le seul pays d’Afrique qui a toutes ses richesses ne peut pas sombrer dans la guerre. S’il vous plait, déposez tous les armes ». Avec ces quelques mots, Didier Drogba a apaisé un conflit national qui faisait des morts, des déplacés, qui détruisait des familles. Il est la preuve que les sportifs ont un impact qui dépasse largement les limites du terrain, et qu’ils doivent apprendre à maitriser cette voix si puissante.