Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Dans la vie d’un groupe, certains mots résonnent plus fort que d’autres. Et quand ils sont prononcés devant tous, sans détour, ils laissent des traces. Thierry Henry, icône du football français, n’était pas homme à hausser le ton pour rien. Mais ce jour-là, il a pris la parole. Face au sélectionneur Raymond Domenech, il a vidé son sac. Ce moment, resté longtemps dans l’ombre, est aujourd’hui revenu dans la lumière.
C’était une soirée morose de fin 2009. L’équipe de France venait de livrer une prestation indigente contre l’Irlande en barrage aller pour la Coupe du Monde. L’ambiance était tendue, plombée par des mois de doutes et de malentendus entre le staff et les joueurs. Et dans ce vestiaire, où personne n’osait plus vraiment parler, une voix s’est élevée. Pas n’importe laquelle. Thierry Henry, le capitaine de l’équipe, figure respectée et écoutée, a décidé de dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas.
Le coup de gueule de Thierry Henry envers Raymond Domenech… en vain
Ce qu’il a alors adressé à Raymond Domenech, devant l’ensemble de ses coéquipiers, a été un véritable coup de tonnerre. Sans hausser le ton, mais avec un calme tranchant et lapidaire, il a mis des mots sur le malaise collectif. Des mots forts, crus, qui ont glacé la pièce :
« Coach, nous aussi on a quelque chose à vous dire. Là, je parle au nom du groupe. Nous aussi, on reste sur notre faim. On s’ennuie pendant vos entraînements… Cela fait douze ans que je suis en équipe de France, jamais je n’ai été dans cette situation. On ne sait pas comment jouer, où se situer, comment s’organiser. On ne sait pas quoi faire. On n’a aucun style, aucune idée directrice, aucune identité. Ça ne va pas »
Cette déclaration, révélée plus tard par Le Parisien, n’était pas seulement un recadrage. C’était une alerte, une tentative de sursaut. Mais au lieu d’ouvrir les yeux, la Fédération Française de Football a choisi de fermer les oreilles. Raymond Domenech, malgré la grogne croissante et les signes de fracture interne, a été confirmé à son poste. Le président Jean-Pierre Escalettes a préféré la stabilité à la remise en question.
Quelques mois plus tard, les conséquences éclatèrent au grand jour, de manière spectaculaire. En Afrique du Sud, à Knysna, les Bleus explosèrent en plein vol. Grève de l’entraînement, communiqués improvisés, fractures internes médiatisées… Ce fiasco absolu avait une racine, et elle était là, dans ce vestiaire de 2009, ce jour où Thierry Henry a tout dit, sans que rien ne change.
Avec le recul, cette sortie sonne comme un avertissement non écouté, une tentative désespérée de sauver ce qui pouvait encore l’être. Mais au lieu d’un électrochoc, ce fut le début de la fin. Et dans l’histoire récente des Bleus, ce moment reste comme l’un des plus lucides… et des plus ignorés.