Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Ils ont fait vibrer les courts, enchaîné les coups d’éclat et porté haut les espoirs du tennis français. Mais ont-ils réellement tout donné pour décrocher le Graal ? Yannick Noah n’en est pas certain au moment d’évoquer Gaël Monfils, Richard Gasquet et Jo-Wilfried Certains. Et certains propos, même plus de dix ans plus tard, continuent de faire écho.
Difficile d’oublier ce regard habité, ce cri libérateur, ce moment suspendu. C’était en 1983, sur la terre battue de Roland-Garros. Depuis, aucun Français n’a su prendre la relève en simple chez les hommes. Et lorsque l’on interroge Yannick Noah sur cet héritage, il ne prend pas de pincettes. Dans une interview accordée à TF1 en 2013, l’ancien champion dressait un constat sans détour sur la génération des Gaël Monfils, Richard Gasquet et Jo-Wilfried Tsonga, pourtant souvent considérée comme l’une des plus prometteuses du tennis français.
Yannick Noah pas tendre avec la « génération dorée »
Ce n’était pas seulement une question de talent, disait-il en substance. Noah, dont le franc-parler a toujours été aussi célèbre que ses victoires, pointait un manque d’instinct de tueur, cette capacité à se transcender dans les moments clés. Pour lui, la barrière n’était pas physique ou technique, mais mentale. Une forme de feu intérieur qui, selon lui, faisait la différence au plus haut niveau et qui manquait à ses jeunes successeurs.
« Je suis le dernier Français à avoir gagné Roland. Mais regarde ma gueule, juste ma gueule quand j’ai gagné, et regarde la gueule des mecs aujourd’hui. Et tu me diras si tu vois une différence. Moi j’en vois une. Si tu parles de victoire, le petit vice qui te permet de l’emporter, ça, je ne le vois plus. Regarde juste Henri Leconte à l’époque : il est habité, y’a des trucs dans ses tripes qui le remuent. Maintenant, ils gagnent les matches s’ils doivent gagner mais ne franchissent pas la petite marche qui te permet d’aller plus loin. »
Ces déclarations avaient fait grand bruit à l’époque, notamment parce qu’elles venaient d’une figure à la fois respectée et clivante du tennis français. Car personne ne nie les qualités de cette génération : Tsonga finaliste en Grand Chelem, Monfils en demi à Roland, Gasquet multiple fois en deuxième semaine de Majeurs… Mais pour Noah, cela ne suffisait pas. Il s’agissait de l’envie d’écrire l’histoire, de se battre au-delà du raisonnable, de vibrer viscéralement.
Ce différend latent entre Yannick Noah et ces joueurs s’était particulièrement cristallisé lorsqu’il avait pris la tête de l’équipe de France de Coupe Davis en 2015. Une fonction qui l’avait poussé à crever l’abcès avec les principaux concernés. Malgré des débuts parfois tendus, le dialogue s’était instauré. Le respect, finalement, avait pris le dessus. Et Noah avait même mené la France au titre en 2017, avec Tsonga, Gasquet et Monfils dans le groupe élargi.
Aujourd’hui, plus personne ne remet en cause les liens solides qui se sont tissés au fil du temps. Le passé semble apaisé, chacun ayant trouvé sa place et sa voie, loin des polémiques. Mais les mots de Noah, eux, restent. Comme un rappel que le sport de haut niveau n’est jamais seulement une affaire de coups droits ou de classements. Mais aussi, et surtout, de feu sacré.