Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Il y a des confessions qui surprennent par leur sincérité. Roger Federer, icône du tennis mondial, s’est ainsi récemment livré comme rarement sur un sujet longtemps passé sous silence : sa perception de Novak Djokovic à ses débuts. Dans un documentaire diffusé sur Amazon Prime, le Suisse fait preuve d’une honnêteté désarmante (et toujours classe, évidemment !) à propos de celui qui allait devenir son plus redoutable rival avec Rafael Nadal.
Au sommet du tennis mondial, les rivalités façonnent les carrières autant qu’elles les définissent. Longtemps, la planète tennis a vécu au rythme du duel Federer-Nadal, une opposition de style devenue légendaire. Mais au milieu des années 2000, un nouveau venu a bousculé cette harmonie bien établie. Avant d’être reconnu comme l’un des plus grands joueurs de tous les temps, Novak Djokovic n’avait pourtant pas convaincu tout le monde — et surtout pas Roger Federer.
C’est dans ce contexte que le Suisse est revenu, plusieurs années après, sur sa première impression mitigée du Serbe. Lors de cette interview accordée pour le documentaire Federer: Twelve Final Days, diffusé sur Amazon Prime, l’homme aux 20 titres du Grand Chelem a reconnu, sans détour :
« Je l’ai affronté à Monaco la première fois (en 2006) et je suis sorti du court en me disant ‘ouais, il est pas mal’. Même s’il y avait un peu de battage médiatique autour de lui, je n’étais pas vraiment totalement convaincu. Je pense que je ne lui ai pas accordé le respect qu’il méritait à cause de ses défauts techniques. J’avais l’impression que Novak avait une prise de raquette très extrême en coup droit et que son revers n’était pas aussi fluide qu’il l’est aujourd’hui. Mais ensuite, il a corrigé ces aspects de manière impressionnante et est devenu un joueur monstrueux.
Pourquoi il n’était pas aussi populaire que Nadal et moi ? Je suppose qu’il était le « casseur de fête » des fans de Rafa et Roger. Il y avait beaucoup d’amour pour Rafa et Roger, donc quand Novak est arrivé, probablement beaucoup de gens se sont dit ‘regardez, on n’a pas besoin d’un troisième gars. On est heureux avec Roger et Rafa’. Au début, les fans de Federer ne l’aimaient pas trop, parce qu’ils pensaient juste ‘Roger c’est plus facile, il le fait avec aisance’. Puis Novak est arrivé avec sa personnalité forte et cette incroyable détermination à vouloir gagner à tout prix. Je pense aussi que Novak a été stimulé par la relation avec les fans. Je pense que cette concentration profonde effrayait peut-être certains »
Federer et Djokovic : deux géants, un respect tardif mais sincère
Avec le recul, Roger Federer reconnaît aujourd’hui que sa perception initiale de Novak Djokovic était biaisée. Ce manque de reconnaissance, il l’explique par une forme d’arrogance technique — comme si les défauts visibles du jeune Serbe masquaient déjà le monstre de régularité et de mental qui allait s’imposer sur les circuits ATP. Cette évolution fulgurante, couplée à une intensité mentale unique, a fini par forcer le respect du Suisse.
Ce respect, justement, Federer ne se contente plus de l’exprimer sur le plan sportif. Dans un autre passage du documentaire, le Bâlois rend hommage à l’homme autant qu’au champion, mettant en lumière une facette plus intime de leur relation :
« Je pense qu’il a été un peu mal compris. Je regarde au-delà des médias et je vois surtout l’homme qu’il est. Si je mets de côté son jeu, qui est-il ? Quelles sont ses valeurs ? Je sais qu’il tient énormément à sa famille. »
Ces mots illustrent un changement de regard. Ils témoignent d’une maturité nouvelle, nourrie par le temps, les affrontements et une forme de fraternité née des batailles partagées.
Aujourd’hui, si Roger Federer est retiré des courts et Novak Djokovic toujours en quête de records, leur relation semble apaisée, marquée par une estime réciproque. Plus que de simples rivaux, ils incarnent deux visions du tennis, deux personnalités opposées, mais liées à jamais par l’histoire du sport… et par les souvenirs qu’ils nous ont laissés !