Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Avant d’être l’un des chanteurs les plus rentables et les plus populaires de France, Florent Pagny a eu un premier chapitre de carrière au cinéma. Début des années 80, il essaie de percer comme comédien, joue dans quelques films — et c’est sur un plateau en 1983 qu’il va croiser Gérard Depardieu, au moment où celui-ci est déjà une machine, un mastodonte, une autorité absolue du cinéma français. Pagny, lui, n’a que 22 ans. Et l’expérience va être très rude.
Dans le livre « Florent Pagny, chanter encore et toujours », l’auteur Frédéric Quinonero raconte un choc frontal : celui de la rencontre entre un Gérard Depardieu au sommet de son art, et un Florent Pagny jeune débutant, totalement inconnu. Les deux hommes ont en effet joué ensemble dans « Fort Saganne », alors que l’interprète de « Ma liberté de penser » poursuivait une carrière d’acteur.
Dans le film, Pagny joue un soldat. Depardieu aussi. Ils sont censés être frères à l’écran. Sauf que, dans la réalité du plateau, Depardieu domine, écrase. Il se moque de la petite taille du jeune Pagny, lui colle le surnom « Marlon » en référence à un rebelle caricatural, et parle de lui au féminin. Le rapport de force est total, humiliant.
Et tout va basculer lors d’une scène en extérieur, quand on les appelle pour se mettre en place. Depardieu lance alors, d’une voix forte, à propos de son jeune partenaire :
« Et la petite, elle vient se mettre en place ? »
Face à cette phrase, Pagny — 22 ans — ne baisse pas les yeux. Et réplique d’une phrase qui claque comme un coup de froid :
« La petite, elle se mettra en place lorsque la grande le sera ! »
Sur le plateau, quelques rires timides s’échappent. Mais Depardieu recadre immédiatement, et sans aucune pitié. Il coupe court et réaffirme son autorité :
« Certains devraient la fermer un peu, ou pas parler si fort. »
Fin de l’échange. Pagny comprend à ce moment-là qu’il vient de se heurter à un mur. Depardieu est à son sommet, et lui n’est qu’un débutant, un pion parmi d’autres, réduit à faire profil bas pour éviter de plus amples désagréments.
Plus tard, dans sa propre autobiographie, Florent Pagny reviendra sur cet épisode. Et il assume d’avoir tout de même gardé sa droiture devenue célèbre depuis :
« Je garde un souvenir éprouvant du tournage. Gérard était déjà une immense star, moi un tout jeune débutant. J’étais très impressionné, mais ça ne m’a pas empêché d’être moi-même. »
