Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Figure emblématique du cinéma hexagonal, Jean Reno reste pourtant un artiste à part, farouchement attaché à ses origines et à son parcours singulier. Né à Casablanca de parents espagnols, l’acteur a toujours revendiqué ses racines et un rapport particulier à la France. À 77 ans, il assume plus que jamais ce détachement, avec une franchise désarmante.
Pour le public, Jean Reno incarne depuis longtemps le parfait acteur français. Pourtant, derrière cette image, l’homme s’est toujours senti un peu ailleurs. De son vrai nom Juan Moreno Herrera y Jimenez, il est né à Casablanca, alors sous protectorat français, avant de s’installer en France à l’âge de 22 ans, en 1970. Une trajectoire qui a façonné son identité plurielle, entre Espagne, Maroc et France.
S’il a été naturalisé et qu’il dispose aujourd’hui de la triple nationalité, Reno n’a jamais renié ses racines andalouses. Cet héritage, profondément ancré, le rattache avant tout à l’Espagne, plus qu’à l’Hexagone. Aujourd’hui installé aux États-Unis, il confie s’y sentir plus libre, mieux compris, et surtout davantage à sa place :
J’ai fini par me considérer comme un migrant permanent, mais après avoir connu ma dernière femme et de m’installer à New York, la situation a changé. Là-bas, tout le monde est immigré. De fait, j’ai moins l’impression d’être un immigré aux États-Unis qu’en France.
Avec sa franchise habituelle, l’éternel interprète de Godefroy de Montmirail avait d’ailleurs enfoncé le clou en avouant ne pas se sentir français, mais plutôt espagnol :
Je ne dispose pas du type de personnalité qui peut être apprécié en France. Je ne m’appelle pas Gérard Depardieu, et ça ne veut pas dire que je n’aime par Gérard. C’est un ami à moi et il fait ce qu’il veut, y compris quand il va s’installer en Russie. En France, on m’a donné des récompenses, on me respecte et je respecte moi-même ce pays, mais au fond de moi-même, je suis espagnol, Andalou même.
Une confession sans détour, qui résume parfaitement la relation ambivalente de l’acteur avec la France : respectueuse mais distante. S’il reconnaît ce que le pays lui a offert, il n’a jamais dissimulé son sentiment d’appartenance à une autre culture.
Toujours soucieux de défendre ses convictions, Reno avait d’ailleurs créé la polémique en 2016 avec des propos tenus dans El Mundo :
Si vous regardez les gens qui arrivent en Europe, vous réalisez que ceux qui se sont intégrés sont les non-musulmans. (…) Ceux qui décident de rester dans une culture basée sur la religion auront des problèmes dans les écoles et dans les autres institutions de la République.
Face aux réactions, l’acteur avait rapidement tenu à rectifier le tir :
J’ai simplement exprimé que l’intégration pouvait être plus difficile lorsque la religion était placée au-dessus des lois de la République et regrette que mes propos aient été déformés.
Qu’il soit en France, aux États-Unis ou ailleurs, Jean Reno se définit avant tout comme un citoyen du monde. Mais dans son cœur, une terre reste souveraine : l’Andalousie, celle de ses ancêtres, de sa langue et de son âme. Sincère et fidèle à lui-même, il continue de tracer sa route, loin des étiquettes et des frontières, avec cette franchise qui fait sa marque.
