Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Sophie Marceau et Julien Clerc ont marqué les années 1990 chacun à leur manière, mais un épisode les a durablement liés malgré eux : la sortie en 1997 de la chanson Assez, assez. Un titre dans lequel l’auteur-compositeur faisait explicitement référence au corps de l’actrice, provoquant chez elle un profond malaise. Près de trente ans plus tard, cette affaire continue d’illustrer un changement d’époque, notamment via les propos de Clerc lui-même.
Dans les années 1990, peut-être pas. Mais avec le prisme de 2025 en tête, la chanson « Assez, assez » de Julien Clerc, publiée en 1997, choque immédiatement. Et pour cause, le refrain du morceau était le suivant, avec une référence non dissimulée à l’anatomie de Sophie Marceau :
« Faut des ronds, faut des courbes,
Des marchands d’marrons, rue Lecourbe.
Faut des ballons, des cerceaux
Et les seins de Sophie Marceau.
Assez, assez, assez, assez. »
Plusieurs années plus tard, la comédienne avait confié à quel point cette exposition involontaire l’avait profondément atteinte. Interrogée à l’époque par le magazine Elle, elle expliquait avec une rare sincérité s’être sentie « dévêtue » :
« J’ai été atrocement gênée par ce disque. Quand je l’ai reçu chez moi, je l’ai caché. J’avais peur que mon entourage tombe dessus. J’étais mal, comme si j’avais fait une bêtise. Comme si je montrais mes seins à la radio. Les seins, c’est intime, c’est érotique, sexuel. Je me suis sentie dévêtue. »
Si la réaction de Sophie Marceau avait été très claire, celle de Julien Clerc, en revanche, avait longtemps manqué de nuance. Invité chez Thierry Ardisson il y a plusieurs années il minimisait d’un ton léger, estimant qu’il s’agissait surtout d’une pirouette poétique :
« C’était une chanson sur tout ce qui fait mal, qui pique, qui coupe, qui est sur les armes. Et en face de ça, on disait il faut des ronds, des choses rondes, et à la fin la chute c’était à chaque fois les seins de Sophie Marceau. Moi je trouvais ça mignon. »
Un discours qui, bien avant les débats MeToo, n’avait évidemment pas aidé à apaiser les choses. Mais aujourd’hui, le chanteur a profondément revu sa position. Invité sur RTL en mai 2025, Julien Clerc avait ainsi reconnu qu’il n’écrirait plus un tel texte aujourd’hui :
« Elle l’avait mal pris, et j’ai réfléchi depuis. Mais, c’est vrai que le monde, en plus, a changé depuis. Je pense qu’aujourd’hui, on ne le ferait plus, on ne l’écrirait plus je crois. Nous, on faisait ça un petit peu, en honneur d’elle, et elle l’avait très mal pris, et je pense qu’elle avait raison, en fait.
Elle avait dit : “C’est mon corps, etc”, et je trouve qu’avec le recul… Je pense qu’aujourd’hui, on ne le ferait plus, tout simplement. Je n’en ai pas reparlé avec elle, parce que je ne la connais pas très bien. Je sais qu’entre-temps, elle m’avait pardonné paraît-il, on me l’avait dit. Si je la rencontre un jour, bien sûr, j’en parlerai volontiers avec elle, je m’excuserai sans doute parce que, effectivement, c’est quelque chose qu’on ne ferait plus de nos jours. »
Au final, cette affaire raconte autant un malaise personnel qu’un changement de mentalité collective. Sophie Marceau avait été blessée, Julien Clerc a fini par comprendre, et le temps a fait le reste. Une mise à jour morale tardive, mais révélatrice d’une époque où le rapport au corps des femmes dans la culture populaire ne passe plus sous silence.
