Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Michel Sardou a toujours cultivé un art bien à lui : dire exactement ce qu’il pense, surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer son parcours et les personnalités qui ont croisé sa route. Et derrière ses piques souvent teintées d’humour, il reste le témoin d’une époque où les artistes pouvaient s’opposer frontalement, politiquement ou artistiquement, tout en restant amis. Une époque bien moins binaire qu’aujourd’hui.
Michel Sardou et franc-parler ? Presque des synonymes. Cette franchise, l’artiste l’avait notamment dégainée en 2009 sur le plateau de Laurent Ruquier, face à celui qui a pourtant écrit ses premières chansons et quelques tubes marquants : Michel Fugain. Sardou, malicieusement, s’était amusé à le tacler avec affection en faisant référence à leurs opinions politiques très éloignées :
« On a travaillé ensemble, nous n’avons pas du tout les mêmes opinions… (ironique) À l’époque, c’était un gauchiste dangereux, un trotskiste épouvantable, un communiste affreux ! Mais nous étions ensemble en train de bouffer. D’ailleurs, il fait les steaks à la moutarde à tomber par terre ! »
Les deux hommes n’ont jamais caché qu’ils pouvaient « s’engueuler à mort » sans pour autant se brouiller. Seule exception, peut-être, évoquée par Michel Fugain dans Michel Sardou, je suis un homme libre :
« Un jour, alors qu’on travaillait ensemble, je lui ai dit : “Fais attention, tu chantes mal”. Il est parti, et dès lors, je ne l’ai plus revu. Je pensais vraiment qu’il devait faire des progrès. »
Surprenant ? Absolument pas ! Et ce n’est pas Stéphane Fugain, ex-épouse de l’interprète de « Une belle histoire », qui vous dira le contraire :
« Je crois que Michel était en froid avec plein de gens, parce que c’est une grande gueule. Tout le monde sait que c’est une grande gueule. »
Derrière ces sorties qui feraient bondir aujourd’hui, cet échange raconte surtout l’essentiel : à l’époque, on pouvait ne pas penser pareil, ne pas travailler pareil, se dire les choses très franchement… et continuer malgré tout à s’estimer. Un miroir assez clair de ce qui manque cruellement au débat public d’aujourd’hui.
