Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Sophie Marceau n’a jamais eu pour habitude de manier la langue de bois. Sur des sujets sensibles comme sur sa propre carrière, l’actrice a toujours revendiqué une parole libre. Quitte à surprendre, voire à déranger. Et lorsqu’elle évoque le mouvement Me Too, son regard nuancé ne laisse personne indifférent.
Figure incontournable du cinéma français depuis plus de quarante ans, Sophie Marceau a traversé plusieurs époques, plusieurs systèmes et différentes manières de faire dans l’industrie du septième art. Des années 1980 à aujourd’hui, l’ancienne adolescente révélée par La Boum a vu évoluer les rapports de pouvoir, les codes implicites et la place accordée à la parole des femmes.
Une expérience longue et dense qui éclaire forcément son point de vue sur Me Too, mouvement qu’elle estime fondamental mais complexe dans son application concrète. C’est dans une interview accordée à Madame Figaro en septembre 2021 que l’actrice s’était exprimée longuement sur le sujet, prenant soin de distinguer les abus caractérisés de certaines situations propres au fonctionnement du cinéma :
« C’est un mouvement génial, historique, j’espère vraiment qu’il sera bénéfique sur le long terme. Je n’ai rien contre les hommes, mais je suis pour la défense des femmes. Dans le cinéma, les limites sont plus floues à définir que dans d’autres professions, car on ne travaille pas dans des normes. Le patron de restaurant qui met la main aux fesses de sa serveuse, il y a un abus manifeste et évident.
Mais quand j’entends des témoignages d’actrices qui s’offusquent qu’on a pu leur donner des rendez-vous dans des suites d’hôtel, non, car c’est là que les étrangers rencontraient les gens. C’était comme ça. Et les castings ? On vous demande de vous déshabiller parce que vous avez des scènes de nu, alors vous allez dire quoi ? Non, je ne me déshabille pas ? Ça m’est arrivé bien sûr, je ne me suis pas mise nue, j’ai arrêté au soutien-gorge, mais si c’est dans la scène ? Vous avez 18 ans, c’est un studio hollywoodien qui vous le demande, il y a le metteur en scène dans la pièce, oui, vous ôtez votre tee-shirt.
Franchement, des actrices qui disent : « Non mais pour qui vous me prenez ? » et qui s’en vont, je n’en connais pas beaucoup. Après, vous voyez, c’est compliqué, il y a eu énormément d’abus, des choses pas convenables, inacceptables. Des propositions, j’en ai eu mille fois, mais j’étais mieux armée pour résister parce que j’avais déjà travaillé et que j’avais un nom. Je n’étais pas une jeune débutante dont le rêve absolu est de tourner. Et puis, je ne venais pas de ce milieu, donc les rapports de séduction me paraissaient d’emblée un peu suspects. C’est un système très pernicieux. Je le répète, il faut le combattre et le dénoncer. »
À travers ce discours sans détour, Sophie Marceau ne minimise ni les violences ni les abus, mais appelle à une réflexion plus large sur un système qu’elle juge profondément ambigu. Une prise de position à l’image de sa carrière : indépendante, réfléchie et résolument personnelle.
