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Par Mathieu Seguin | Rédacteur sport
Il existe des joueurs qui dominent leur époque, et d’autres qui redéfinissent durablement le jeu. Stephen Curry appartient à cette seconde catégorie, celle des anomalies capables de déplacer les lignes. Son influence dépasse les titres et les records, pour toucher à la manière même dont le basket est pensé. Carmelo Anthony a récemment pris le temps de mettre des mots sur ce phénomène.
Depuis des décennies, la NBA a vu ses plus grandes figures transformer le jeu par la puissance, la verticalité ou l’explosivité. Michael Jordan a réinventé l’attaque aérienne, Shaquille O’Neal a imposé une domination physique sans précédent, LeBron James a fusionné force et vision du jeu. Chaque génération a repoussé un plafond, souvent vers le haut. Mais rarement vers l’extérieur, encore moins à une telle distance du panier.
Stephen Curry a bouleversé cet équilibre. Là où les autres élargissaient leur palette dans la raquette ou à mi-distance, lui a déplacé la zone de danger bien au-delà de l’arc. Ses tirs pris à des distances autrefois jugées absurdes sont devenus des armes rationnelles. Les défenses ont dû s’adapter, étirer leur pression, et parfois renoncer à des principes enseignés depuis des décennies.
Un héritage qui change la manière de défendre et d’attaquer
C’est précisément ce point que Carmelo Anthony a tenu à souligner. « Il y a des joueurs qui ont étendu le jeu à la verticale. Lui, il l’a étendu vers l’extérieur », a expliqué l’ancien scoreur d’élite, insistant sur la rupture introduite par Curry. « On avait des shooteurs incroyables, des gars qui sortaient des écrans, mais lui tire à 12 mètres avec la même confiance ». Une distinction fondamentale dans l’histoire tactique de la ligue.
Cette capacité à sanctionner dès le milieu du terrain a profondément modifié les habitudes défensives. Là où l’on apprenait autrefois à contenir puis reculer, Curry oblige à attaquer le porteur du ballon bien avant la ligne à trois points. « Tu ne peux pas faire ça avec Steph. Il tire dès qu’il passe la ligne médiane », rappelle Anthony, évoquant une réalité devenue banale aujourd’hui mais impensable il y a encore quinze ans.
L’impact ne se limite pas à Curry lui-même. Toute une génération s’est engouffrée dans cette brèche, de Damian Lillard à Trae Young, en passant par Luka Dončić. Tous ont intégré cette idée qu’un tir très lointain peut être un bon tir, à condition d’être maîtrisé. Ce changement a redéfini la notion d’espace, de rythme et même de sélection de tirs à tous les niveaux du jeu.
Cette influence nourrit aussi le débat sur la place de Curry parmi les plus grands. Sa taille modeste et son style sans domination physique semblent, à première vue, incompatibles avec les discussions autour du GOAT. Pourtant, pour Anthony, l’argument mérite d’être posé. « Il a tous les arguments légitimes pour se mettre à cette table », estime-t-il, soulignant que l’impact sur le jeu doit compter autant que les attributs physiques.
