Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Ils ont partagé les mêmes débuts, les mêmes galères et une époque bouillonnante du café-théâtre parisien : Marie-Anne Chazel et Coluche se sont longtemps croisés avant que leurs chemins artistiques ne prennent des directions différentes. Entre admiration, affinités et incompatibilités profondes, l’actrice est revenue sans détour sur ce qui rendait toute collaboration impossible. Un témoignage éclairant.
Figure emblématique du Splendid, Marie-Anne Chazel a connu Coluche à une période charnière, lorsque chacun tentait de se faire une place sur la scène humoristique parisienne. À l’époque, la future interprète des Bronzés évoluait au sein d’une troupe soudée, fonctionnant sur un modèle collectif, tandis que Coluche imposait déjà une personnalité forte et dominante.
Ces deux visions du travail allaient rapidement s’opposer, malgré une estime mutuelle évidente. Dans une interview accordée à Europe 1, Marie-Anne Chazel replongeait dans leurs premières rencontres, au moment où les deux camps se faisaient face dans des cafés-théâtres voisins. Elle racontait cette période fondatrice, marquée par une vraie complicité artistique et humaine :
« Quand on a débuté, on était dans une petite impasse où on avait fait un petit café-théâtre. Et lui, Michel (Coluche, ndlr), était en face. Il avait un petit café-théâtre qu’il venait de mettre aussi en état parce qu’il n’était plus au café de la Gare. Il l’avait quitté et avait fait une petite troupe avec Bernard Lamotte, Christine Dejoux. Ils faisaient des spectacles. C’est là qu’on s’est rencontrés, qu’on a sympathisé, qu’on a passé des moments mémorables, des moments de rire. Son spectacle était invraisemblable ! On a beaucoup sympathisé. Son esprit nous plaisait et lui aimait beaucoup notre humour »
Pourtant, lorsque l’idée d’intégrer Coluche au Splendid a été évoquée par son agent, la troupe a opposé un refus net. Au-delà des réticences exprimées par certains membres, dont Michel Blanc, sur le volet humain, Marie-Anne Chazel mentionnait un fossé impossible à combler. Toujours sur Europe 1, elle détaillait sans détour les raisons de ce choix :
« Nous, Michel, qu’on aimait beaucoup, qu’on estimait, on savait qu’on n’arriverait pas à travailler avec lui, parce qu’on n’avait pas du tout la même mentalité. Michel, c’était un chef, c’était un leader, c’était par moments un tyran. C’était un homme d’autorité, c’est lui qui décidait. D’ailleurs, il avait une vision. Mais il voulait l’imposer aux autres ! Nous, on était une troupe, on était des artisans, tout le monde était à égalité. Il n’y avait pas de metteur en scène. Les auteurs, c’était collectif. C’était pas du tout la même mentalité. »
Avec le recul, ce constat résonne avec de nombreux témoignages sur Coluche, souvent décrit comme un génie aussi charismatique qu’intransigeant. Entre leadership assumé et autorité parfois écrasante, l’humoriste fascinait autant qu’il pouvait diviser. Pour Marie-Anne Chazel et le Splendid, la frontière était claire : l’admiration ne suffisait pas à gommer des différences fondamentales dans la manière de créer et de vivre le collectif.
