Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Avec sa ribambelle de cartons au box-office depuis plus de 40 ans, Christian Clavier fait figure de véritable monument du cinéma français. Mais le recordman des films à plus de 10 millions d’entrées n’est pas imperméable à la critique pour autant : la preuve avec la sortie remarquée d’un certain Jean-Baptiste Maunier il y a quelques semaines…
Figure incontournable du cinéma populaire, Christian Clavier a pour habitude de dire ce qu’il pense, quitte à déplaire. Lors d’un entretien accordé à Konbini, l’acteur avait ainsi évoqué une vision très pragmatique du sujet de l’intelligence artificielle dans le cinéma, quitte à balayer d’un revers de main les inquiétudes de toute une profession.
Au cours de cette interview, Christian Clavier expliquait en effet pourquoi il voyait dans l’IA une évolution inévitable, y compris au détriment des comédiens de doublage, en relayant notamment une discussion qu’il avait eue avec une dirigeante du secteur. Et le septuagénaire paraissait plutôt enthousiaste :
« Une patronne d’un grand groupe français m’a dit : ‘Avec l’intelligence artificielle on va pouvoir résoudre une partie de nos problèmes de budget par rapport au cinéma américain. On va en plus pouvoir se doubler entièrement nous’. (…) Oui, ça aura un impact sur les comédiens de doublage bien évidemment. Les comédiens de doublage vont avoir un problème bien sûr. Toutes les avancées technologiques ont posé des problèmes à un certain nombre de métiers. On ne reviendra pas à la télévision en noir et blanc une fois qu’on a la télévision en couleur. On peut le regretter, mais bon.
Alors, c’est désolant pour les doubleurs, mais il faudra qu’ils se reconvertissent dans autre chose. Les films que je fais se vendent très souvent à l’étranger donc j’ai des gens très bien qui me doublent en Allemagne, en Italie… Mais, quelque part, je vais être aussi plus content moi de ne pas être doublé, et que je joue moi dans ces films-là. Il faut quand même le penser sur le plan artistique. C’est pas inintéressant »
Ces déclarations ont rapidement suscité des réactions, dont celle de Jean-Baptiste Maunier. Révélé très jeune au cinéma et aujourd’hui artiste confirmé, l’acteur a tenu à répondre publiquement via sa page Instagram, exprimant une profonde déception face aux propos de son aîné :
« Nous avons tourné ensemble et je suis déçu d’entendre ça de ta part. Réduire le doublage à une simple question d’efficacité technologique, c’est méconnaître tout un pan de notre culture. La VF, en France, c’est plus qu’un outil : c’est un art à part entière, respecté et aimé du public…
Les comédiens de doublage ne se contentent pas de ‘coller’ une voix sur un visage : ils interprètent, ils transmettent des émotions, ils recréent une œuvre pour un public francophone. Et derrière chaque film doublé, il y a des dizaines de professionnels : directeurs artistiques, adaptateurs, ingénieurs du son, mixeurs… Des métiers passionnés et passionnants qu’une IA ne remplacera jamais sans appauvrir le résultat. Ce débat dépasse le doublage, c’est une juste question de solidarité artistique. Pourquoi prôner la disparition d’un autre pan de la création ? »
Au-delà d’un simple échange entre deux acteurs, cette passe d’armes illustre une fracture plus large au sein du milieu artistique. Entre adaptation aux nouvelles technologies et défense des métiers historiques, le débat est loin d’être clos, et les prises de position comme celle-ci montrent à quel point le sujet touche une corde sensible dans le cinéma français.
