Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
En pleine période de tensions internationales, certaines décisions prennent une dimension qui dépasse largement le cadre du sport. À l’automne 2001, Emmanuel Petit s’est ainsi retrouvé au cœur d’un choix difficile, qui l’a profondément marqué. Plus de vingt ans après, l’ancien international français est reveny avec lucidité et amertume sur cet épisode dont il n’est pas sorti indemne.
C’est une époque où la peur s’était installée jusque dans les vestiaires. Quelques semaines après les attentats du 11 septembre 2001, alors que le monde entier scrutait chaque vol, chaque déplacement, Chelsea devait se rendre en Israël pour affronter l’Hapoël Tel-Aviv en Coupe de l’UEFA. Emmanuel Petit, tout juste arrivé au club londonien, avait alors pris position : lui ne voulait pas y aller. Une voix isolée dans un groupe silencieux.
Emmanuel Petit assume avoir refusé de jouer en Israël
Pour l’ancien milieu de terrain des Bleus, il s’agissait d’une décision réfléchie, guidée par une inquiétude sincère d’un point de vue purement sécuritaire. Le contexte géopolitique, les discussions avec Scotland Yard… Tous les voyants étaient au rouge selon lui. Mais face à la volonté du club et à la frilosité de ses coéquipiers, Petit s’est rapidement retrouvé seul à porter cette parole, comme il l’avait expliqué au micro de SFR Sport il y a quelques années :
Ça intervenait tout de suite après la tragédie du World Trade Center (en 2001, ndlr), ça rappelait aussi deux rendez-vous qu’on avait eu à Scotland Yard… On a fait un vote dans le vestiaire. La première fois, où, de façon unanime, tout le monde n’était pas contre de jouer le match, mais de le jouer sur un terrain neutre. Comment tu peux expliquer aux joueurs que tu vas jouer un match de foot dans un pays qui était en guerre ?
Historiquement, l’Angleterre a un passé, comme une sorte de culpabilité avec Israël. On a fait un deuxième vote, quelque temps après. On s’est retrouvés à quelques mains levées. Les joueurs avaient changé complètement d’avis, de façon radicale.
Moi, je suis sorti de cette histoire comme l’instigateur, comme le traître, comme un lâche. J’ai été matraqué dans la presse tabloid. Pour moi, ce n’était pas une décision politique, c’était du bon sens. J’ai été jeté en pâture. À aucun moment, le club n’a pris ma défense, les joueurs pareil, les supporters pareil…
Petit ne participera finalement pas au déplacement. Chelsea perdra ce soir-là 2-0 à Tel-Aviv, sans lui sur la feuille de match. Mais c’est bien loin du terrain que la vraie défaite s’est jouée pour lui. Attaqué dans les médias anglais, peu soutenu, Emmanuel Petit a payé cher son franc-parler et ce malentendu.
Avec le recul, il ne regrette rien, certes, mais la blessure reste vive. Son témoignage raconte d’ailleurs une autre facette du football professionnel – celle où le courage d’avoir des opinions peut devenir un fardeau quand il n’est pas partagé. Et où le silence du groupe fait parfois plus de bruit que les déclarations publiques.