Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
À 54 ans, Alexandra Lamy a déjà derrière elle une carrière dense, populaire et respectée. Mais pour atteindre ce niveau de maîtrise et de crédibilité au théâtre comme à l’écran, l’ancienne héroïne d’Un gars, une fille a dû renoncer à une part très intime de ce qui la définissait. Il y a quelque temps, au micro de l’émission On Time, la comédienne est revenue sur ce sacrifice rarement évoqué, mais absolument central dans son parcours.
Figure appréciée du cinéma français, Alexandra Lamy s’est imposée en multipliant les registres, de la comédie à des rôles plus dramatiques, tout en conservant l’image d’une artiste solaire et authentique. Pourtant, lorsqu’elle est arrivée à Paris pour tenter sa chance, l’histoire était loin d’être gagnée. Venue du Sud, la comédienne portait un accent prononcé qui, dans les années 1990, pouvait encore constituer un frein majeur à certains rôles, notamment sur les planches où la diction codifiée restait la norme.
Pour faire du théâtre classique, et encore plus du Shakespeare, la future star a dû se plier à un travail vocal long et douloureux. C’est ce qu’elle a expliqué dans l’émission On Time, lorsqu’elle a évoqué ce passage obligé de ses débuts :
« Le plus dur ça a été de perdre un accent. Moi j’avais un accent du Sud mais horrible. Horrible, mais horrible ! Quand t’arrives à Paris et que tu veux faire du théâtre, tu peux pas faire du Shakespeare, tu vois, en parlant comme ça quoi, c’est un peu compliqué.
J’avais des trucs où même parfois les gens ne me comprenaient pas. “Je veux bien du pain”, Pardon ? Du ‘paing’ ? Et donc il y avait des trucs où je faisais hyper attention, tout ce qui était en “en”. Donc j’évitais de dire on se retrouve maintenant. Maintenant c’était l’enfer. Donc on se retrouve tout de suite. J’ai dû changer les petits mots pour éviter qu’on m’entende. C’était le plus dur, c’était d’enlever un accent, c’est très dur d’enlever un accent. C’est long, c’est long, mais on était au conservatoire et on ne faisait pas passer une phrase sans qu’on l’ait quoi, et c’est dur »
À travers cet aveu, l’actrice met en lumière une réalité que vivent de nombreux comédiens issus des régions : gommer une identité vocale pour répondre aux standards d’un milieu encore marqué par la tradition. Un effort colossal, souvent invisible, mais qui a contribué à façonner sa carrière. Et si Alexandra Lamy a depuis retrouvé une liberté de ton et de rôle, elle n’oublie pas le chemin parcouru pour atteindre cette polyvalence.
