Entretien avec Boris Diaw : « Ce que fait Westbrook est encore plus impressionnant que ce que fait Harden »

20 November 2016: Utah Jazz center Boris Diaw (33) warms up prior to the Denver Nuggets 105-91 victory over the Utah Jazz, at the Pepsi Center, Denver, Colorado, USA.

Vous le savez pratiquement tous, le Jazz est déjà qualifié pour les Playoffs et occupe actuellement la quatrième place de la Conférence Ouest. Ils affrontent les Wizards demain soir et se déplacent à San Antonio affronter les Spurs dans le cadre du NBA Sundays, un match retransmis en direct sur BeIn Sport à 21h30. Pour cette occasion, la NBA nous a invités à une conférence téléphonique avec Boris Diaw qui nous a rejoint depuis l’Utah !

Différents médias français : On commence par une question un petit peu déconnectée de l’actualité mais que je te pose tout de même parce que je sais que le basket-ball africain t’intéresse et que la NBA va approfondir la relation avec la Seed Academy avec l’armement de NBA Academy en Afrique. Deux questions, qu’est-ce qui manque selon toi au basket-ball africain pour exploiter le vivier de joueurs qu’il y a là-bas et est-ce que la NBA n’est pas en train de jouer le rôle que la FIBA devrait jouer en aidant au développement du basket-ball africain ?

Boris Diaw : Il y a beaucoup de choses qui manquent encore pour le développement du basket-ball… Je pense que la première est les infrastructures même si l’on fait beaucoup de camps de basket-ball au Sénégal et d’autres pays africains, il y a tout de même un manque d’infrastructures en matière de salles, en matière d’équipement, en matière de ballons, etc… Il y a pas mal de chose à ce niveau-là.

Après cela se fait beaucoup par rapport à l’organisation et une certaine volonté sportive, je pense que c’est plus pays par pays. On ne peut pas globaliser le continent africain mais il y a des pays qui sont plus ou moins en clin et qui sont prêts à développer le basket-ball. Je pense à certains pays qui sont historiquement plus basket-ball que d’autres, on connaît ceux qui font les meilleurs résultats sur les équipes nationales, notamment le Nigeria et le Sénégal qui font de bons résultats sur la scène internationale et plein d’autres.

La Seed Academy, je la connais bien car j’ai un partenariat avec eux depuis quelques années notamment sur les filles.  Je sais que la NBA les rejoint, c’est vrai que c’est un atout qui est fort et je pense que ça va aider le basket-ball notamment sénégalais mais surtout le basket-ball africain en général parce que c’est vraiment ce que recherche la NBA. Après, dire que la NBA remplace le boulot de la FIBA ? Je ne sais pas, mais je sais que la FIBA est présente en Afrique aussi quand même !

Pas besoin de le rappeler, Utah est en Playoffs. Je voulais tout simplement savoir comment tu juges la saison d’Utah jusqu’ici et quelle importance vous accordez au faite de garder la quatrième place pour avoir l’avantage du terrain au premier tour des Playoffs ?

La saison est bien jusqu’à présent puisque l’objectif de l’équipe était d’accéder aux Playoffs, et c’est désormais chose faite !

Le deuxième objectif est de se classer le mieux possible aux vu des Playoffs et d’essayer d’avoir l’avantage du terrain (NDLR : c’est-à-dire être classé entre la première et quatrième place). Aujourd’hui la quatrième place est importante pour nous et il faut essayer de la garder. On sait que ça va être difficile puisque la fin du championnat et de notre calendrier est assez difficile mais on va essayer de faire au mieux quoi qu’il arrive.

Notre troisième objectif sera de réaliser les meilleurs Playoffs possibles et donc d’aller le plus loin possible dans l’aventure !

Justement par rapport à cette quatrième place, la semaine dernière vous avez perdu contre une équipe des Clippers qui pourrait potentiellement être votre adversaire au premier tour. Rudy Gobert a poussé a priori une gueulante qui a manifestement fait du bien à l’équipe, est-ce que tu peux nous dire un petit peu comment ça s’est ressenti au sein du groupe, si ça a vraiment remotivé et remobilisé tout le monde ? Et est-ce que ça serait de possible d’avoir un petit peu ton avis par rapport à la course au MVP de la saison régulière entre James Harden et Russell Westbrook ? Toi qui as justement déjà fait 6 triple-doubles dans ta carrière et qui sait à quel point c’est compliqué, comment tu jugerais si tu devais choisir ?

Par rapport à la gueulante, ça n’en était pas vraiment une. Moi je n’ai pas entendu ce qu’il a dit personnellement, je ne sais pas exactement ce qui s’est dit après le match des Clippers…

Par rapport à la course aux MVP, c’est clair que Russell et James sont en train d’éclater les records en matière de statistiques, c’est quelque chose que l’on n’avait jamais vu avant. Westbrook est vraiment en train d’affoler tout les compteurs à ce niveau-là ! Qui de Westbrook ou Harden sera MVP ? C’est assez compliqué… Les deux font une saison assez similaire mais j’ai tout de même l’impression que ce que fait Westbrook est encore plus impressionnant que ce que fait Harden.

Nicolas Batum hier a rejoint Tony Parker à l’ASVEL, toi il y a quelques semaines tu t’es retiré de Bordeaux. Je voulais avoir ta réaction par rapport à Batum et savoir si tu t’étais retiré de Bordeaux pour mieux investir dans un autre club, en Pro A ou à Villeurbanne par exemple ?

C’est bien que Nicolas ait rejoint Tony à Lyon. Je crois que Tony a vraiment réussi à créer un projet plutôt solide à l’ASVEL, avec de bonnes perspectives pour le futur. Nicolas a rejoint ce projet et le renforce, c’est quelque chose qui est bien pour le basket-ball français.

Moi personnellement je n’ai pas d’autre projet d’investissement en cours dans un autre club prochainement.

On s’en souviens tu t’étais mis en scène lors d’une interview avec Rudy Gobert pour faire sa publicité avant l’All-Star Game 2017, justement quel regard tu portes sur son évolution cette saison et quelle marge de progression tu lui donnes pour les années à venir ?

Il a encore franchi une étape cette année, il a encore progressé ! Je pense que le plus éclatant en matière de progression, c’est surtout au niveau de l’attaque où il apporte plus que ce qu’il apportait avant et je pense que sa marge de progression se trouve encore à ce niveau-là. Deux secteurs principaux : son shoot extérieur et le shoot de poste 4 à l’intérieur, donc si ses deux choses là peuvent encore être améliorées, ça va encore lui faire passer des étapes.

Défensivement il a toujours été solide et il l’est toujours encore aujourd’hui. Après s’il a encore une autre marge de progression, c’est sur sa concentration afin d’être constant d’un match à l’autre.

Tu parles de ses qualités défensives, tu en fais un favori pour le titre de meilleur défenseur de l’année ?

Je pense qu’il est en lice pour le titre ! Vu le nombre de contres qu’il met par match, c’est quelque chose qu’il peut mériter c’est sûr !

Comment te sens-tu dans la ville, dans le groupe, dans le jeu ?

Je me suis très bien attaché à la ville, à l’équipe et j’ai tout de suite été bien accueilli donc ça se passe parfaitement depuis le début de la saison. J’adore la ville, l’État, ses alentours, les montagnes, la neige… Enfin c’est surtout mes deux huskies qui adorent la neige d’Utah ! Je me sens très bien ici !

Une question qui j’imagine aura une réponse très courte, est-ce que tu seras disponible pour les Bleus cet été pour l’Euro ?

Disponible ? A priori oui si je n’ai rien d’autre sur mon calendrier d’autre… (rires). Non, je serai là bien sûr !

Tu as passé en début de saison les 1000 matchs en carrière NBA. Quand tu regardes un petit peu dans le rétroviseur, qu’est-ce qu’il te vient tout de suite à l’esprit sur un tel parcours en NBA et qu’as-tu le plus apporté à Rudy Gobert dans sa progression, sur le jeu de passes, sur la position ou plutôt sur le mental ?

Ce que je vois sur ma carrière en regardant dans le rétroviseur, c’est tous les souvenirs de ce que j’ai pu faire ses dernières années… Beaucoup de bonheur et de plaisir ! Il me encore reste quelques belles saisons et quelques matchs à venir encore !

Après au niveau de Rudy, j’essaye de lui apporter un peu de mon expérience, celle de ces plus de 1000 matchs, de toute une carrière NBA. Je ne vois pas exactement au jour le jour ce que je lui apporte mais le fait d’être là, d’être Français, de discuter avec lui, de donner des conseils de temps en temps sur le terrain, ça l’aide !

Je voulais revenir sur le sujet de l’EuroBasket car vous avez rencontré Vincent Collet en janvier, qu’est-ce que vous vous êtes dit ? Parlez-vous avec Rudy Gobert de ce sujet-là ? Et enfin Rudy Gobert sera-t-il bien de la partie pour l’EuroBasket cet été ?

Il est effectivement venu, on s’est dit « bonjour, comment ça va ? ». (rires). On a parlé de rien de particulier, c’était juste une petite visite de courtoisie habituelle. On a évoqué un petit peu la saison, mais rien de plus.

On ne connaissait pas les joueurs qui allait être disponibles, donc on n’en a pas parlé en détail.

En ce qui concerne Rudy, je pense qu’il n’a pas encore pris de décision ferme donc il faudra lui demander pour savoir…

On a évoqué rapidement le cas du JSA Bordeaux tout à l’heure. Comment expliques-tu que ça n’a pas vraiment fonctionné, est-ce qu’il n’y avait pas la place pour un grand club de basket-ball à Bordeaux ?

Il y a déjà une grande équipe de foot et une grande équipe de rugby à Bordeaux. J’aurais bien aimé créer une grande équipe de basket-ball, j’ai essayé année après année mais le modèle économique n’y était pas.

Une question surtout par rapport à ta dernière expérience aux Spurs, dans une organisation qui est particulièrement encensée, avec un coach très charismatique et là le fait d’arrivée dans une équipe plus jeune, avec des ambitions de grandir. Est-ce que tu vois vraiment une différence et est-ce que c’est aussi agréable de travailler dans une équipe jeune et qui a envie d’aller loin ?

Bien sûr, c’est tout aussi agréable ! On voit bien que tout le monde a vraiment envie. Il y avait vraiment une grosse volonté dès le début de saison de toute l’équipe d’accéder aux Playoffs. Je prends beaucoup de plaisir cette saison avec cette équipe, mais c’est clair que San Antonio c’était aussi une très belle expérience avec, comme tu dis si bien, un coach charismatique et une constance d’une saison à l’autre qui est impressionnante. Maintenant c’est aussi ce que le club d’Utah essaye de reproduire sur un petit peu le même modèle.

Pas de frustration cette saison par rapport à ton temps de jeu, est-ce que c’est un problème pour toi ? J’imagine que non mais…

Non, parce que cela fait partir du jeu. C’est un sport d’équipe, il y a des remplaçants , des titulaires, un temps de jeu à partager… Comme je l’ai toujours fait dans ma carrière, j’essaye de faire mon rôle le mieux possible, d’être le plus efficace possible sur mon temps de jeu du jour.

En tant que grand amateur de vins, as-tu réussi à convertir tes coéquipiers et ton coach à la dégustation du très bon vin ? Lequel est le plus assidu avec toi ?

(rires). Le coach ne boit pas d’alcool…

Cela doit te changer de Pop ! (rires).

Ça change un petit peu, ce n’est pas le même. (rires). J’ai quelques coéquipiers qui aiment bien le vin et on a eu l’occasion de faire une petite dégustation de vin de Bordeaux en début de saison.

Le plus assidu ? Je dirais Joe Ingles !

On parlait il y a peu temps de San Antonio, je voulais justement avoir ton regard sur ce qu’ils font cette saison tout simplement ?

Ils sont comme d’habitude. San Antonio est d’une précision infaillible année après année ! À chaque fois ils arrivent en haut du tableau, à chaque fois ils font de bonnes saisons régulières. C’est encore une belle saison réussie et ils vont encore jouer le titre cette année !

Tu les vois au même niveau que Golden State et Cleveland dans la hiérarchie ?

Je pense ! On l’a vu sur différents matchs, ils ont peut-être perdu hier mais ils avaient gagné sur le match d’avant, donc ça se joue !

Dernière question, il n’y a pas très longtemps les 20 ans des anciens Jazz de 1997 ont été célébrés à Utah. Je voulais savoir si tu leur avais parlé, si tu avais des anecdotes à nous raconter autour de cette soirée et puis si ça te parle bien cette année 97 avec Karl Malone, John Stockton, etc. ?

Bien sûr, ça me parle ! Malheureusement, on n’a pas eu l’occasion de parler plus que ça pendant la soirée parce qu’on avait un match après, mais j’ai eu la chance de les croiser effectivement.

 

Toute l’équipe remercie Boris Diaw d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et la NBA de nous avoir invité.
(Entretien réalisé le 30.03.2017 par téléphone)

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