Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Joueur phare de la reconstruction de l’équipe de France après le naufrage de novembre 1993, Eric Cantona a pourtant soudainement vu sa carrière en bleu prendre fin. Résultat : absent de l’Euro 1996 puis du Mondial 1998, « Canto » a tout raté des grands moments de ce groupe passé à la postérité. Un choix assumé par Aimé Jacquet, et sur lequel l’ancien joueur de Manchester United est revenu de son côté.
Joueur de grand talent, Eric Cantona a rapidement été présenté comme le leader technique de l’équipe de France de l’après-Platini. Mais alors qu’il avait atteint le statut de capitaine en 1994 et 1995, tout a rapidement basculé dans l’esprit d’Aimé Jacquet. Pourquoi ? D’une part parce que « Canto » a été suspendu près d’un an suite à son coup de pied sur un hooligan.
À son retour, le joueur était plus inconstant, et, même s’il ne le savait pas encore, le train était (déjà) parti. En effet, Jacquet a choisi autour de 1996 d’axer l’animation offensive de son milieu de terrain autour de Zinédine Zidane et Youri Djorkaeff, deux créateurs d’exception. Barré dans le coeur du jeu, « Canto » a tout de même eu droit à une proposition de son sélectionneur.
La réaction d’Eric Cantona au choix fort d’Aimé Jacquet
Chef de presse de l’équipe de France pendant d’innombrables années, Philippe Tournon raconte dans son livre « La vie en bleu » que Cantona n’a pas été écarté en raison de problèmes comportementaux, comme la rumeur le prétend. C’est en fait son refus d’être positionné en attaque qui lui a été fatal, ouvrant la voie à Christophe Dugarry puis, à terme, à Stéphane Guivarc’h :
Aimé a dit à Cantona : « Pour l’animation du jeu, avec Youri et Zizou, je pense avoir trouvé la bonne formule mais devant, en l’absence de Papin, blessé, je suis encore à la recherche d’un numéro 9. Veux-tu être ce numéro 9 ? » Préférant avoir plus de liberté sur le terrain, Eric Cantona lui a répondu : « Coach, je ne suis pas un 9. J’ai besoin de bouger, de dézoner. Je ne me vois pas rester planté en pointe en attendant les ballons ».
Voilà comment Cantona, pour un choix qui lui appartient et qui est tout à fait respectable, s’est autoexclu de la sélection pour l’Euro 96.
Quelques années plus tard, « Canto » a été questionné par Thierry Ardisson à propos de cette période douloureuse. L’occasion pour lui d’évoquer son ressenti envers Aimé Jacquet, avec un discours globalement classe :
À un moment donné j’ai eu de la haine (envers lui), bien sûr. (Il se reprend) Pas de la haine, mais j’aurais préféré jouer, c’est sûr. Aujourd’hui, je n’ai plus du tout… Je n’ai rien. Et puis ça s’est très bien passé (pour l’équipe de France). Peut-être que si j’avais joué ça ne se serait pas passé comme ça, ou peut-être que si. On le saura jamais.
Est-ce que je me sens orphelin de la victoire de 1998 ? Non. J’ai vécu des trucs extraordinaires, des grandes joies, et aussi des grandes déceptions. Ça, ça fait partie des grandes déceptions, de la vie, et des choses qui font avancer.
Pas du genre à rejeter la faute sur les autres, Eric Cantona n’a pas souhaité accabler Aimé Jacquet pour le choix fort dont il a été la victime. Sûrement conscient que sa longue suspension ne l’a pas aidé, de même que son refus de jouer à un poste différent que celui auquel il aspirait, « Canto » respecte le tacticien et sa détermination à appliquer sa méthode. Une méthode payante, et qui a mené à ce fameux 12 juillet 1998 de légende.